L’augmentation de capital par compensation de créances en compte courant d’associé dans les sociétés anonymes

L’augmentation de capital par compensation de créances en compte courant d’associé dans les sociétés anonymes

L’augmentation du capital est l’opération par laquelle les associés décident de porter le capital d’une société à une valeur supérieure à celle figurant initialement dans les statuts.

Règlementée par les textes de l’Acte uniforme relatif au droit des sociétés commerciales et du groupement d’intérêt économique (AUSCGIE), l’augmentation du capital, bien que soumise à un certain formalisme, se présente comme un véritable levier de financement pour une société. Elle a également l’avantage de ne pas faire appel à des ressources extérieures, ce qui permet d’assainir les ratios financiers de l’entreprise (notamment le ratio d’endettement).

Dans cette publication, nous nous intéresserons à une forme particulière de cette opération : l’augmentation de capital par incorporation de créances inscrites en compte courant d’associés dans les S.A au regard du droit OHADA.

Le procédé est rendu possible dans les S.A par les dispositions de l’article 562 AUSCGIE selon lesquelles « le capital social est augmenté, soit par émission d’actions … soit par majoration du montant nominal des actions existantes ». Le deuxième alinéa dudit article précise que les actions nouvelles peuvent notamment être libérées par « compensation avec des créances certaines, liquides et exigibles ». Il ressort de ce texte que les créances résultant de compte courant d’associés peuvent être incorporées au capital social par voie de compensation.

Par définition, le compte courant d’associé correspond aux avances et prêts accordés par un associé à la société. Il enregistre les flux financiers entre la société et l’associé et met ainsi, la première, en position de débitrice du second. Ce compte peut être rémunéré par des intérêts librement convenus par les parties. Dès lors, un compte courant créditeur est un moyen permettant de transformer des titres de créance en titres de capital (actions). Pour ce faire, certaines conditions doivent être respectées pour la validité de l’opération.

  • Préalables à l’augmentation de capital

Avant de procéder à l’augmentation de capital, les dirigeants de la société doivent au préalable s’assurer que :

le capital social initialement souscrit a été intégralement libéré ;

les dettes sociales ont fait l’objet d’un arrêté des comptes certifié par le commissaire aux comptes ;

et la décision d’augmentation a été prise dans les formes prescrites par l’AUSCGIE.

  • Libération intégrale du capital initial souscrit

Il convient de rappeler que dans les S.A, les actions représentant des apports en numéraire doivent être libérées d’un quart (1/4) au moins de leur valeur nominale lors de la souscription du capital. Quant au surplus (3/4), sa libération doit intervenir dans un délai qui ne peut excéder trois (3) ans à compter de l’immatriculation de la société.

Afin de s’assurer que les associés se sont préalablement acquittés de leurs dettes antérieures envers la société, l’AUSCGIE subordonne l’augmentation à la libération intégrale du capital initialement souscrit sauf lorsque l’augmentation est faite par apport en nature (art. 389 AUSCGIE). En effet, l’article 572 AUSCGIE rappelle que : « le capital doit être intégralement libéré avant toute émission d’actions nouvelles à libérer en numéraire ».

Dès lors, une augmentation opérée sans que le capital antérieurement souscrit n’ait été entièrement libéré peut être frappée de nullité. De plus, les dirigeants sociaux peuvent voir leurs responsabilités civiles et pénales engagées (art. 738 et 740 AUSCGIE).

  • Arrêté des comptes

L’AUSCGIE fait obligation aux dirigeants sociaux de procéder à l’arrêté des comptes avant toute augmentation de capital par compensation de créances (art. 611 AUSCGIE). L’arrêté des comptes doit être établi par les dirigeants et certifié exact par le commissaire aux comptes.

Il s’agit là d’une étape cruciale car elle permet d’éviter que les dirigeants procèdent à une augmentation de capital par compensation avec des créances fictives ou qui ne remplissent pas les conditions requises pour cette opération.

Ce n’est qu’après arrêté et certification des comptes que le notaire pourra constater la libération des actions et délivrer la déclaration notariée de souscription et de versement.

Bien que l’Acte uniforme ne l’ait pas précisé, à notre avis l’arrêté des comptes sus évoqué peut être différent de celui réalisé en fin d’exercice. En effet, si l’augmentation de capital est décidée en cours d’exercice, il n’est pas nécessaire de retarder l’opération jusqu’à l’arrêté annuel des comptes (qui a lieu au plus tard dans les 4 mois suivant la clôture de l’exercice). Cependant l’arrêté des comptes doit être daté au moins du jour de l’Assemblée générale appelée à se prononcer sur la proposition d’augmentation de capital.

  • Information des associés et décision d’augmentation de capital

Afin de permettre aux associés de se prononcer en toute connaissance de cause, le législateur OHADA impose une obligation d’information préalable aux organes d’administration de la S.A (conseil d’administration ou administrateur général, selon le cas). De fait, l’augmentation doit être précédée d’un rapport spécial des dirigeants et d’un rapport du commissaire aux comptes.

Le rapport des dirigeants doit rendre compte de la marche des affaires sociales. Il doit en outre contenir toutes les informations utiles sur les motifs et les modalités de l’augmentation envisagée.

Quant au commissaire aux comptes, en sa qualité d’auditeur légal, il doit s’assurer que l’opération est conforme aux règles édictées et que les comptes présentés par les dirigeants sont exacts. Il devra également s’assurer que les créances proposées sont liquides, certaines et exigibles.

Relativement à la décision d’augmenter le capital social, elle appartient exclusivement à l’assemblée générale extraordinaire (AGE) ou à l’associé unique (lorsqu’il s’agit d’une S.A unipersonnelle). Toute clause contraire conférant au conseil d’administration ou à l’administrateur général ce pouvoir étant réputée non écrite. Cependant, lorsque l’assemblée générale autorise l’augmentation, elle peut déléguer aux dirigeants le pouvoir de procéder à cette augmentation, d’en fixer les modalités et de vérifier sa réalisation.

  • Réalisation de l’opération
  • L’augmentation de capital proprement dite

Il convient de préciser d’emblée que l’augmentation de capital par compensation de créances en compte courant d’associés est assimilée à une augmentation par apport en numéraire (la compensation par créance se présente uniquement comme une modalité de libération d’un apport en numéraire).

A ce titre, les règles applicables à l’augmentation en numéraire s’appliquent à cette opération sous réserve des conditions particulières concernant la créance qui doit être :

  • certaine : la créance doit avoir une existence certaine et incontestable par les parties ;
  • liquide : son montant doit être déterminé (ou déterminable) ;
  • exigible : l’associé est en droit d’en exiger le paiement.

Lorsque la créance revêt les conditions ci-dessus décrites, la société peut procéder à l’augmentation du capital soit par majoration de la valeur nominale des actions existantes soit par émission d’actions nouvelles.

Dans le premier cas, il s’agit d’accroître le montant nominal des actions déjà existantes. Mais cela suppose que tous les associés soient titulaires d’un compte courant car il est impossible que des actions d’une même société aient des valeurs nominales différentes. Aussi, l’augmentation par majoration de la valeur nominale des actions étant une opération qui augmente les engagements des associés, la décision ne peut être prise qu’avec le consentement unanime de tous les associés (art.562 AUSCGIE). Toutes ces difficultés justifient souvent le recours à la deuxième option.

L’augmentation par émission d’actions nouvelles consiste pour la société à émettre de nouveaux titres sociaux au profit des actionnaires ayant consentis de transformer leurs créances en actions. Dans ce cas, la valeur nominale des nouvelles actions demeure la même qu’initialement. Les actions nouvelles peuvent être assorties de prime d’émission ou non ainsi que de droit préférentiel de souscription ou non.

Enfin, il convient de noter que l’augmentation de capital doit être réalisée dans le délai de trois (3) ans à compter de l’AG qui l’a décidée ou autorisée. Dans tous les cas, elle est réputée réalisée à compter du jour de l’établissement de la déclaration notariée de souscription et de versement.

  • Les formalités inhérentes à l’opération

Au titre des formalités, l’augmentation de capital est sensiblement soumise aux mêmes règles que la constitution de nouvelle société.

D’abord il doit être dressé un procès-verbal de la réunion des actionnaires appelés à statuer sur l’augmentation. De même à l’issue de l’augmentation, un PV constatant l’augmentation du capital social devra être établi.

Ensuite les statuts devront être modifiés pour refléter la réalité du nouveau capital social (à noter que les PV précités doivent être annexés aux nouveaux statuts).

Par ailleurs, au niveau administratif, un dossier de demande de modification doit être déposé auprès du Greffe en charge du registre de commerce (RCCM). Le cas échéant, une inscription modificative sera faite et la société verra son registre de commerce mis à jour.

Enfin, l’augmentation de capital doit être insérée dans un journal d’annonces légales, dans les mêmes conditions que la constitution d’une nouvelle société.

  • Fiscalité applicable

Sur le plan fiscal, l’augmentation de capital est recherchée en paiement des droits d’enregistrement avec une particularité pour certaines sociétés.

Lorsqu’après l’augmentation, le montant du capital est inférieur ou égal à 100 millions F CFA, seuls un droit fixe de 5.000 F CFA est dû. En revanche, si après augmentation, le capital excède 100 millions F CFA, il est perçu, un droit proportionnel de 1% sur la partie excédant 100 millions F CFA. A noter qu’en cas d’augmentation assortie de prime d’émission, ladite prime doit être inclue dans la base imposable (circulaire d’application du CGI n°2016-504).

Cependant le Code général des impôts a prévu un régime dérogatoire pour certaines sociétés. Il en est ainsi des sociétés disposant du statut d’entreprise franche d’exportation (EFE) pour lesquelles tous les actes de constitution ou de modification des statuts sont exemptés de droits d’enregistrement (art. 465-8 CGI).

De même, sont enregistrés gratuitement les actes d’augmentation de capital des sociétés d’investissement à capital fixe (art. 466-9).

En conclusion, on retiendra que des créances résultant d’un compte courant peuvent valablement être incorporées au capital social par le biais d’une augmentation. L’opération permet en outre préserver les ratios financiers de l’entité.

RMA Nexia se met à votre disposition pour tous conseils ou assistance dans le cadre de vos opérations de restructuration (fusion, scission, apport partiel d’actifs, augmentation/réduction de capital…).

 Alhadji Adam DEYE

Alhadji Adam DEYE
juriste – fiscaliste