COVID-19 ET ASSEMBLEE GENERALE ORDINAIRE

COVID-19 ET ASSEMBLEE GENERALE ORDINAIRE

Au milieu de la pandémie du COVID-19, alors que les gouvernants combattent celle-ci tant sur le plan sanitaire qu’économique, les organes de gouvernance des sociétés commerciales établies dans la zone OHADA doivent répondre à une impérative légale qui est la tenue de l’assemblée générale ordinaire (AGO).

L’assemblée générale ordinaire est la tribune offerte légalement aux associés en vue de leur permettre de se prononcer sur la marche de l’activité sociale. Elle statue essentiellement sur les comptes sociaux et toutes les questions n’entrainant pas une modification des statuts. Elle doit se tenir au moins une fois dans l’année, dans les six (6) mois qui suivent la clôture de l’exercice. Cette obligation s’impose à toutes les sociétés, peu importe leur forme.

Afin de faire face à la pandémie du COVID-19, les Etats ont pris des mesures restrictives exceptionnelles. Il en est ainsi du Sénégal où l’état d’urgence sanitaire a été décrété par le Chef de l’Etat le 23 mars 2020 et prorogé par le décret du 03 avril 2020. Il s’en est suivi notamment l’instauration d’un couvre-feu, la fermeture des frontières terrestres et aériennes ou encore l’interdiction des rassemblements. Cette situation mettant à mal l’organisation des réunions professionnelles, il convient de s’interroger sur comment tenir l’assemblée annuelle des associés qui répond à un formalisme stricte.

I. LES REGLES DE TENUE DE L’AGO

Le législateur OHADA a pensé les règles d’organisation et de fonctionnement de la société commerciale en « temps normal », c’est-à-dire sans prendre en compte des circonstances exceptionnelles comme celle que traverse actuellement le monde entier. De plus, il convient de rappeler que, les Etats membres de l’OHADA s’étant dessaisis de leurs compétences dans les matières relevant des Actes uniformes, ils ne disposent plus de marge de manœuvre pour légiférer en ces matières. Ce qui rend l’adaptation difficile voire impossible.

De façon générale, l’AGO doit être convoquée au moins 15 jours avant la date de sa tenue. Dans ce même délai, les états financiers, accompagnés des rapports du commissaire aux comptes ainsi que le texte des résolutions devront alors être mis à la disposition de associés. A cela s’ajoute pour les sociétés l’obligation de communiquer les états financiers à leur(s) commissaire(s) aux comptes au moins 45 jours avant la date prévue pour l’AGO.

La loi exige en outre pour certaines sociétés la présence d’un nombre minimal d’associés pour la tenue de l’assemblée. Il en est ainsi de la société anonyme (S.A) dans laquelle l’AGO ne peut valablement délibérer, sur  première convocation, que si au moins ¼ des associés sont présents ou représentés. En cas de non-respect des règles édictées, la validité des délibérations est en jeu.

On remarque donc que l’organisation de ces assemblées est marquée par un formalisme strict, formalisme qui devient une contrainte majeure compte tenu des circonstances actuelles liées au COVID-19.

II. COMMENT TENIR L’AGO AVEC LE CONTEXTE ACTUEL AU COVID-19 ?

A titre de rappel, pour les entreprises dont l’exercice précédent est clos au 31 décembre 2019, la date limite pour tenir l’AGO est le 30 juin 2020. Il est donc nécessaire d’envisager les moyens à mettre en œuvre pour convoquer et tenir cette assemblée. Ci-dessous quelques pistes de solutions tirées de l’Acte uniforme lui-même.

1) La représentation

C’est l’acte par lequel un associé donne pouvoir à une personne, associée ou non à l’effet de voter en son nom et pour son compte (à noter que la représentation par une personne non associée est soumise à l’approbation des statuts).

Cette technique s’avère une alternative lorsque les associés se trouvent dans des zones géographiques différentes les uns des autres. Mais elle a le défaut d’entrainer une réunion physique des représentants et des associés, ce qui peut être difficile voire impossible compte tenu des mesures restrictives des rassemblements.

2) La consultation écrite

La consultation écrite est un mécanisme permettant à la société de recueillir l’avis d’un ou de plusieurs des associés sur une question sans que celui-ci ou ceux-ci ne se présentent en personne. C’est donc un mécanisme de prise de décision à distance pouvant être utilisé en ces temps de crise sanitaire mais uniquement dans les sociétés de personnes (SNC et SCS). Les délibérations de l’AGO ne pouvant faire l’objet de consultation écrite dans la SARL (art. 333) et les dispositions de l’AUSCGIE relatives aux sociétés de capitaux n’en font pas mention.

Toutefois, l’Acte uniforme laisse aux statuts la liberté de prévoir les décisions pouvant faire l’objet de consultation écrite et les modalités de la consultation. Cependant, le PV de l’assemblée doit obligatoirement faire mention de cette modalité.

3) Le vote par correspondance

Il s’agit là également d’une voie légale permettant de participer à l’AGO, permise par l’Acte uniforme à condition que les statuts la prévoit (article 133-1). Elle consiste pour les associés à communiquer leurs votes relativement aux décisions mises en délibérations à l’assemblée.

Dans ce cas, les associés votants, dument convoqués, sont autorisés à voter par lettre au porteur contre récépissé, par lettre recommandée avec demande d’avis de réception ou encore par courrier électronique. Les votes doivent être parvenus à la société au moins 24 heures avant la date de tenue de l’assemblée.

A la lecture des dispositions de l’Acte uniforme, il appert que cette alternative est ouverte à toutes les formes de société à condition qu’elle soit prévue par les statuts.

4) Le vote à distance ou par visioconférence

A la différence du vote par correspondance, ici les associés participent directement à l’AGO mais à distance. Il y a alors une participation instantanée à la réunion. Cette méthode fait appel aux technologies de l’information, comme la visioconférence ou tout autre moyen permettant d’identifier les associés et garantissant la transmission continue et simultanée des délibérations.

Les associés participant à cette Assemblée votent donc oralement et cette modalité devra être mentionnée sur le PV établi à cet effet. De même, il doit être fait mention dans le PV de tout incident technique éventuellement survenu au cours de l’assemblée et ayant perturbé son déroulement (coupure d’internet ou lenteur de transmission, par exemple).

Cette modalité prévue par l’article 133 est ouverte à toutes les formes de sociétés à condition qu’elle soit expressément prévue par les statuts.

5) La demande de prorogation d’échéance

Il s’agit d’une demande permettant aux dirigeants de déroger au délai légal institué par l’Acte uniforme. On rappelle que pour les sociétés dont l’exercice précédent est clos au 31 décembre 2019, la date limite est le 30 juin 2020. Autant dire que cette échéance est proche.

Le report d’échéance est expressément permis pour les S.A et SARL (art. 348 et 548) alors que l’Acte uniforme est muet s’agissant des sociétés de personnes. Les dirigeants sociaux qui le souhaitent peuvent alors introduire une requête (de préférence y joindre un projet d’ordonnance sur pied) auprès du Tribunal compétent. Attention toutefois, la requête doit être introduite avant l’échéance légale du 30 juin, à défaut elle encoure le refus.

 

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Publie le : 18 mai 2020
Par : Alhadji Adam DEYE
Juriste-Fiscaliste

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